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Patrimoine naturel de l’archipel Houat-Hoedic

Les îles de Houat et d’Hoedic sont d’une grande richesse naturaliste. Peu d’endroits subsistent sur le littoral continental offrant cette qualité de paysage, ce vaste espace de quiétude et de liberté au contact de la nature. Beaucoup d’espèces s’y trouvent pour de si petits territoires, parmi lesquelles certaines écologiquement exigeantes. Certaines sont protégées ou menacées de disparition. Ce patrimoine naturel des deux îles est un atout majeur pour leur développement mais il demeure fragile. Sa préservation est un défi pour les collectivités et pour tout ceux qui les fréquentent.

Pierre Buttin - Arnaud Le Névé - ©Melvan - août 2016

Contexte géographique

Houat (290 ha) et Hoedic (209 ha) constituent deux entités terrestres voisines mais isolées entre elles et du continent. La mer constitue une vraie frontière naturelle : un grand nombre d’espèces ne peuvent les atteindre ou s’en échapper. La biodiversité sur Houat et Hoedic a de ce fait une signification écologique et un intérêt scientifique plus évident que pour la plupart des communes du continent. L’absence de toute agriculture intensive moderne et l'urbanisation maîtrisée ont fortement participé à préserver la richesse biologique des deux îles. L’abandon de l’ancien pâturage a néanmoins entraîné de profonds changements du paysage en quelques décennies et la disparition d’espèces dont certaines d’intérêt patrimonial. Les deux îles sœurs ne sont cependant pas des jumelles. L’île d’Hoedic est une terre proche de l’eau avec une succession de plages et de zones rocheuses peu élevées. En grande partie couverte de dunes, elle héberge de grandes étendues en étangs et dépressions humides que l’on ne trouve pas à Houat. Plus en hauteur, l’île de Houat comporte un plateau dominant de hautes falaises plongeant vers l’océan. Elle s’abaisse dans sa partie orientale, en en massif de dunes bordée d’une grande plage, se prolongeant par une flèche de sable et une des rares plages convexes de France.

Seul le milieu terrestre des deux îles est abordé ici, à l’exclusion de l’espace maritime avec l’estran, qui serait un autre sujet digne d’attention.

Vue aérienne nord-ouest/sud-est de l'île de Houat
Vue aérienne ouest-est de l'île de Houat

Biotopes caractéristiques

Les dunes plus ou moins anciennes sont un élément dominant du paysage des deux îles. Elles sont d’une grande diversité de formes et leurs couleurs varient selon les saisons avec leur composition floristique. La végétation en milieu dunaire n’a pour tout support de développement que du sable avec très peu ou sans matière organique. La pauvreté du sol en azote empêche la colonisation par des espèces compétitrices à fort développement, telles que ronces, orties, bette maritime ou maceron. Les dunes ont de ce fait une flore originale et très variée selon les saisons. La dune “blanche” héberge une végétation tolérante au sel qui se développe sur du sable mobile au contact supérieur des laisses de haute mer. Plus en arrière, la dune “grise” est stabilisée par des pelouses riches en espèces herbacées et d’abondants tapis de mousses et de lichens. Cet habitat est considéré comme d’intérêt patrimonial prioritaire au niveau européen. Quand la dune grise est complètement décalcifiée, elle héberge dans les zones les plus protégées une pelouse acidophile avec un épais tapis de cladonies (lichen gris). Cet habitat est rare en France et les deux îles en abritent la plus grande surface en Bretagne.

Hoedic compte trois marais, dont le plus grand fait 8,1 ha, et quatre mares temporaires. Des zones humides sont aussi présentes à Houat mais de manière plus discrète dans le creux des vallons. La lande à ajoncs et les fourrés à prunelliers sont deux formations arbustives typiques des deux îles et participent aussi fortement à rythmer les saisons par les variations de leurs teintes. Les falaises rocheuses surmontées de pelouses littorales sont présentes sur les deux îles. Beaucoup plus élevées et imposantes à Houat, elles bordent de manière ininterrompue le plateau de la partie nord de l’île. Les suintements d’eau à la base de ces falaises constituent des milieux riches en espèces originales, telle l’oseille des rochers, Rumex rupestris.

Vue aérienne du Port la Croix et des marais sud d'Hoedic
Vue aérienne du Port la Croix et des marais sud d'Hoedic

Flore

Houat et Hoedic abritent environ 500 espèces de plantes spontanées sur 1 482 présentes en Morbihan, soit 34 % de la flore spontanée du département et 10 % de la flore française, ce qui est important eu égard à l’exiguïté du territoire des îles. Parmi ces espèces, 18 sont protégées — ce qui en interdit toute cueillette, graines et bulbes compris — et 20 sont inscrites en liste rouge armoricaine, considérées comme rares ou menacées d’extinction dans cette région.

Certaines plantes sont des espèces à enjeu climatique en limite de répartition. Le chou marin Crambe maritima, espèce nordique, est ainsi en limite sud de répartition alors que le lys maritime Pancratium maritimum, espèce méditerranéenne, atteint dans les deux îles sa limite nord de répartition. Houat et Hoedic se trouvent être les seuls territoires où ces deux espèces protégées se côtoient à quelques centaines de mètres. La cynoglosse des dunes Omphalodes littoralis est une petite fleur dont les tapis denses en avril colorent les dunes d’un beau vert bleuté. Il s’agit pourtant d’une espèce rare endémique des dunes franco-atlantiques, atteignant sa limite nord de répartition aux Glénan. La diotis cotonneuse Othantus maritimus est une autre espèce méditerranéenne protégée atteignant en Bretagne sa limite nord de répartition avec moins de 10 pieds. L’unique pied des deux îles, à Hoedic, fut arraché par la tempête Xynthia. Il s’échoua un peu plus loin et tente aujourd’hui de reprendre racine. L’ophrys de la passion Ophrys passionis, une des 5 espèces d’orchidées sauvages des deux îles, atteint ici sa limite nord de répartition.

Omphalode du littoral, rare sur le continent, omniprésente sur les dunes des deux îles – Omphalodes littoralis 
Omphalodes littoralis plusieurs fleurs

Faune vertébrée

oiseau gros planLes oiseaux sont sans conteste le groupe le mieux connu. Les premiers inventaires datent de 1868 et la présence d’ornithologues sur les îles, notamment à Hoedic, est régulière tous les ans depuis la fin des années 1970. Ainsi, 302 espèces ont été observées sur Hoedic, sur 549 recensées en France (soit 55 % des espèces de l’avifaune métropolitaine), ce qui est stupéfiant pour un si petit territoire. Cependant, cette proportion est moindre si l’on considère uniquement les espèces nicheuses insulaires qui sont au nombre de 47 à Hoedic contre 288 en France (soit 16 %). La richesse ornithologique des deux îles vient de leur position géographique privilégiée sur les couloirs de migration qui empruntent fréquemment le littoral et qui drainent aussi un grand nombre d’espèces égarées. Par exemple, une pie-grièche isabelle Lanius isabellinus, a été observée à Hoedic le 11 novembre 2013, provenant des steppes kazakhes et une hirondelle à front blanc Petrochelidon pyrrhonota, le 1er octobre 2000, provenant d'Amérique du Nord !

Les mammifères sauvages ne sont pas nombreux sur les deux îles. Il faut cependant signaler la présence à Hoedic de la musaraigne des jardins Crocidura suaveolens. Sur le continent, cette espèce est en forte compétition avec la musaraigne musette qui l’a progressivement supplantée. Elle n’est plus que sporadique sur le littoral atlantique, et Hoedic est un de ses refuges.
Houat héberge 3 espèces de reptiles, le lézard des murailles Podarcis muralis, le lézard vert Lacerta viridis et l’orvet Anguis fragilis. Seul les deux lézards sont présents à Hoedic.

Les batraciens n’existent plus aujourd’hui qu’à Hoedic, avec 3 espèces : le triton palmé Lissotriton helveticus, le crapaud calamite Bufo calamita, et le pélodyte ponctué Pelodytes punctatus. Les deux premiers ont disparu de Houat, sans doute avec l’assèchement de l’unique zone humide dans l’ouest du village. Le crapaud calamite si commun à Hoedic — et bruyant au printemps ! — est en fort déclin sur le continent. Tous les reptiles et amphibiens sont protégés en France : leur capture est interdite.

La musaraigne des jardins et les quelques espèces de reptiles et amphibiens présentes sur les deux îles sont des témoins de l’époque où ces îles étaient rattachées au continent. Il est possible que l’isolement insulaire soit facteur d’endémisme et que ces espèces ne soient plus tout à fait identiques aux mêmes espèces présentes sur le continent. Des études génétiques seraient nécessaires pour le vérifier...

Crapeau calamite, abondant à Hoedic, disparu à Houat – Bufo calamita
Bufo calamita vue dorsale

Faune invertébré

Sympetrum male de profil
Sympetrum male de profil

Les invertébrés commencent à être mieux connus à Hoedic, en raison des nombreux inventaires naturalistes qui y ont été réalisés. Les papillons de jour sont représentés par 29 espèces à Hoedic sur 104 connues en Bretagne et 237 en France. Parmi elles, se trouvent quelques raretés, comme le marbré de Cramer Euchloe crameri, connue autrement en Bretagne dans seulement trois stations de l’estuaire de la Vilaine.

Les autres groupes d’invertébrés n’ont fait l’objet que d’inventaires partiels. Par exemple, il n’existe pas encore de liste complète des papillons de nuit sur les deux îles. À Hoedic, 129 espèces ont déjà été contactées et parmi elles, de nouveau, des espèces à forte valeur patrimoniale comme la zygène du panicaut Zygaena sarpedon qui n’est connue que de deux stations en Bretagne, ou encore le sphinx à tête de mort Acherontia atropos, papillon migrateur originaire d’Afrique.

Parmi les coléoptères, notons la présence, à Hoedic au moins, de la nébrie des sables Eurynebria complanata, prédatrice aptère de puces de mer, extrêmement menacée sur le continent du fait de nettoyage par les communes littorales des laisses de hautes mers. Il est possible que la nébrie ne soit plus présente que sur quelques îles.
Les araignées ont fait l’objet d’un inventaire sur les terrains du Conservatoire du littoral à Hoedic. 184 espèces ont été recensées, soit 32 % des 576 espèces connues de Bretagne, ce qui est très important. Parmi elles, 18 espèces sont rares ou localisées en Bretagne ; 5 d’entre elles ne sont connues en Bretagne qu’à Hoedic, telle Eresus kollari, espèce méditerranéenne, l’une des plus belles que l’on trouve en France ; et pour Rhomphaea rostrata, l’île est la seule station dans tout l’ouest de la France. De même que pour la nébrie, les araignées sont des espèces indicatrices du bon état de conservation des dunes et des hauts de plage. Leur présence témoigne de l’abondance des proies qui elles-mêmes témoignent d’une végétation non dégradée. La présence de ces espèces témoigne que les dunes de Houat et d’Hoedic sont vivantes et conservent toutes leurs fonctionnalités, par exemple celle de protection du trait de côte. A contrario, une dune dégradée (par le sur-piétinement ou le nettoyage) sera fragilisée et perdra cette fonction de protection contre les tempêtes.

Eresus niger
eresus niger
Grande nébrie – Eurynebria complanata
Eurynebria complanata

Hygrocybe aurantiolutescens
Champignon hygrocybe aurantiolutescens

Un recensement des champignons basidiomycètes a dénombré plus de 200 espèces sur les deux îles, avec son lot de raretés. La collybie fausse xérule Oudesmenisella xeruloides ne se repère que sur quelques stations littorales en France. La lépiote à disque brun Macrolepiota phaeodisca trouve dans les deux îles ses seules localisations en France La mycène de Bellia Mycena belliae est une autre rareté que l’on peut observer à Hoedic sur les tiges des roseaux des zones humides. Les ascomycètes ont aussi été étudiés et plus de 50 espèces recensées. Il faut noter la présence de géoglosses doigt de sorcière représentés par deux espèces, Trichoglossum hirsutum et Geoglossum cookeanum, de la morille des sables Morchella dunensis. Deux espèces très rares ont par ailleurs été observées à Houat Lamprospora arvensis et Peusdotricharina fibrillosa.

Menaces et opportunités pour la biodiversité

Les dépôts sauvages de déchets verts sont un facteur de risque pour le patrimoine naturel, en particulier dans les zones dunaires. Leur accumulations ont pour conséquences un enrichissement des sols en azote amenant une prolifération de plantes banales à fort développement avec une fermeture du milieu et un appauvrissement biologique. De même, les dépôts de gravats non contrôlés comblent trop souvent des dépressions humides. Bien que qualifiés de « déchets inertes », ils se dégradent progressivement, en libérant des métaux lourds et en modifiant l’acidité des sols. Ils doivent de ce fait être évacués par les filières adaptées. Les espèces invasives sont un autre facteur de risque, considérées comme deuxième cause de perte de biodiversité dans le monde et première cause en milieu insulaire. Une douzaine de plantes invasives est déjà présente sur les deux îles. La mairie d’Hoedic et l’association de gestion du Fort d’Hoedic et de son environnement (AGFHE) ont travaillé avec succès sur l’éradication de deux d'entre elles, l’herbe de la pampa Cortaderia selloana et le séneçon en arbre Baccharis hamilifolia. Les griffes de sorcière, Carpobrotus edulis, originaire d’Afrique du Sud, et qui dégrade les côtes rocheuses sur d’autres sites bretons, restent à éradiquer.
D’autres évolutions ont été favorables à la biodiversité et à la restauration des paysages, tel le déplacement des campings des deux îles vers des zones moins fragiles. Les dunes où ils se trouvaient auparavant sont des environnements naturels particulièrement fragiles et riches en espèces d’intérêt patrimonial. La réouverture de vastes zones envahies par les fourrés de prunelliers et leur entretien en prairies par chevaux et moutons, ou bien en allée coupe-feu, est un autre facteur favorable à la biodiversité.

Hoedic et Houat, deux lieux privilégiés pour l'observation des oiseaux
observation oiseaux estran

Conclusion

La variété paysagère et biologique des deux îles est leur principale richesse, un atout important pour une économie aujourd’hui essentiellement liée au tourisme. Cependant, ce patrimoine est fragile. Toute dégradation ne pourra que nuire à la qualité de vie de leurs habitants et à l’attrait des deux îles. Il faut souligner le défi, pour les municipalités, de concilier l’affluence touristique et la préservation de l’environnement. Il n’y a cependant pas de fatalité : ces menaces dépendent aussi dans une large mesure du comportement de chacun pour préserver cette richesse.